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Là, en attente

Portraits par Adine Sagalyn et Récits par Annik Hémery 

On ne pourra plus très longtemps continuer à les ignorer. Les « étranges étrangers » de Prévert sont revenus s’agglutiner à la Porte de la Chapelle. Ils assiègent aussi les refuges parisiens comme Le Refuge de la Mie de Pain, le plus grand Centre d’Hébergement d’Urgence et d’Insertion (CHUI) de France. C’est là que la photographe Adine Sagalyn les a saisis et que Annik Hémery a recueilli les histoires de ces « invisibles », « déclassés et inclassables » prétendument sans histoires. Pour nous, ils ont accepté de laisser tomber le sac à dos de leur errance, lourd de dates compilées et si resucées qu'elles ont terni leur vie d'avant. « Je ne veux plus entendre parler du passé ! Il m'appartient, ce passé ! Moi, je veux parler du présent ! », explose Arab H., un Kabyle de 56 ans. « Le premier Milev est mort », résume abruptement Milev M.., un accueilli bulgare de la Mie de Pain. « Le second Milev attend. » Comme les 270 accueillis du Refuge (359 au total), dont 60 %  sont sans-papiers, il attend un rendez-vous avec l'administration, avec l'assistante sociale, pour une visite médicale, avec la vie qui s'écoule inéluctablement... Les « papiers » lui permettront d’obtenir un titre de séjour. Lequel lui permettra de travailler, de gagner honorablement de l’argent et peut-être de prendre son envol. En tout cas de quitter le Refuge. Certains mettent plus de 20 ans à rassembler les pièces demandées.  

Tous sont en attente d’une identité recomposée, d’un ailleurs et d'un futur indéterminés mais suspendus à un « papier ». « Je suis tout de même mieux qu'un papier, non ? », questionne un Tunisien dont le projet, en venant en France, est « juste de vivre bien » et de gravir quelques marches. Aujourd’hui, les « invisibles » ne se cachent plus. Dans Là, en attente, les hommes de la Mie de Pain s’offrent à notre vue avec toute la puissance de leur regard. Et nous ne pouvons plus laisser ricocher le notre. Et soudain nous les trouvons beaux, ces hommes venus des « contrées lointaines », accueillants ces « accueillis », et belles et captivantes leurs histoires cabossées qui, parfois, sont si cousines des nôtres qu'elles secouent le tapis de nos certitudes. Voici quelques-uns de ces portraits croisés en mots et images.

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